mardi 27 septembre 2016

La liberté dans l’exil




Comme Bill Gates, j’ai décidé de lire un livre par semaine. J’essayerai de partager sur ce blog, dans la mesure du possible, les impressions et les leçons que m’inspirent certains des livres que je lis. Il y a longtemps que je ne lis plus de romans. Je lis principalement les essais politiques et économiques et les Mémoires, les autobiographies et les biographies des grands hommes. 

Le livre qui m’a beaucoup occupé cette semaine passée est l’autobiographie du Dalai Lama, Freedom in Exile. Comme je l’ai appris en surfant sur internet, ce livre a été traduit en français sous le titre Au loin la liberté.  C’est un livre qui, même s’il a été publié en 1990,  m’a beaucoup touché car, comme moi, le leader spirituel du peuple tibétain est allé chercher dans l’exil la liberté qu’il n’avait pas dans son propre pays. En effet, le Tibet est occupé par la Chine qui y mène une politique de terreur comme tous les pays colonisateurs depuis 1950. Il a décidé de fuir en 1959 et il a établi son Gouvernement tibétain en exil en Inde. 

Je trouve que la situation du Tibet est très similaire à celle du Burundi d’aujourd’hui. Même si les Burundais ne subissent pas une occupation étrangère comme les Tibétains, les uns et les autres n’ont pas de liberté.  Chaque fois qu’ils manifestent pour réclamer leurs droits, les pouvoirs respectifs « écrasent » toute dissidence dans le sang. Du coup je comprends pourquoi la Chine est l’un des rares pays qui soutiennent le régime autoritaire de Pierre Nkurunziza. On dirait que le despote burundais importe les méthodes de répression, la torture, la dictature du parti au pouvoir, directement du grand frère chinois. 

Les Tibétains qui réclament leurs droits sont accusés d’être des « réactionnaires » manipulés par les puissances étrangères alors que les Burundais sont accuses d’être des « terroristes » à la solde des « colons ». La seule différence est que le régime chinois industrialise son pays et modernise son économie alors que le Burundi devient le pays le plus pauvre du monde. Sur ce point, je dirais que les Tibétains ont plus de chances que les Burundais puisqu’ils profitent au moins, de la modernisation de l’économie chinoise. 

L’autre leçon que j’ai appris concerne le leadership. C’est en le lisant que j’ai compris le maxime leaders are readers. En effet, le lauréat du prix Nobel de la paix (1989) étudie la philosophie bouddhiste chaque jour pendant quatre heures, plus exactement de 8h00 du matin à midi. On ne trouve pas une réputation mondiale de son rang  en passant tout son temps libre à siroter une bière comme c’est le cas de la majorité des intellectuels burundais. 

Enfin, j’ai appris que quand on se bat pour une cause noble, il ne faut jamais se décourager. Le Dalai Lama a pris le chemin de l’exil en 1959 (2 and avant la naissance de mon père et 3 ans avant l’indépendance du Burundi) pour plaider la cause de son peuple en étant en liberté. 57 ans après, il est encore en exile mais il ne s’est toujours pas découragé. En plus de ça, il n’a jamais cessé de prôner une solution non-violente, même si nombreux de ses compatriotes fatigués  auraient voulu prendre les armes pour en finir avec l’occupation chinoise. Il est convaincu que la guerre faire plus de mal que de bien.

Freedom in Exile est un livre plein de sagesse. J’espère que cette sagesse est contagieuse et que j’en garderai au moins un centième.

mardi 13 septembre 2016

Combien d’enfants refugiés vont à l’école?



‘Leur donner un peu de nourriture ne suffit pas. Donnez l’éducation aux enfants de ces familles et vous aurez assuré leur avenir ».
Ces mots sont ceux de la jeune Prix Nobel de la Paix, la pakistanaise Malala Yousfzai, qui appelle les leaders du monde à financer l’éducation des enfants refugiés.
Dans le même article, il est précisé que 80% des enfants refugiés ne vont pas à l’école. C’est un sujet très important pour le Burundi, qui a plus de 300.000 refugiés en ce moment, et dont la majorité, ca va de soi, sont des jeunes. Je n’ai pas d’informations sur le pourcentage des enfants refugiés burundais qui vont à l’école mais ca doit être dans les mêmes proportions. Un ami refugié en Ouganda me disait que la grande majorité des enfants burundais qui sont dans le camp de Nakivale ne vont pas à l’école. C’est un désastre. 

Je salue le courage de la Maison Shalom qui, selon les informations qui me parviennent, fait ce qu’elle peut pour que le plus possible de jeunes refugiés au Rwanda puissent continuer leurs études. Ce serait une excellente chose s’il y avait des organisations comme Maison Shalom dans tous les pays où il y a de fortes communautés de burundais refugiés, en Tanzanie, en RD Congo, en Ouganda, en Zambie ou ailleurs.
Suivre l’exemple du Dalai Lama
Le Dalai Lama, qui est le chef spirituel du peuple tibétain, a été contraint de s’exiler en Inde en 1959, alors que son pays venait d’être colonisé par la Chine communiste de Mao Tse Tung. Quand il arrive en Inde, son objectif est de se battre à l’ONU pour que la Communauté internationale reconnaisse l’indépendance du Tibet et condamne l’invasion chinoise. Nehru, premier ministre de l’Inde lui conseilla ceci : « La meilleure façon de faire avancer la question tibétaine est, non pas à travers l'ONU, mais à travers la bonne éducation de vos enfants ». Le Dalai Lama a retenu la leçon et il a décidé « se concentrer à construire une forte communauté en exil pour que quand le moment de rentrer viendrait, nous serions en mesure de reprendre notre vie en mains, transformés par notre expérience ». Et cette transformation passait par l’éducation et l’intégration des refugiés tibétains en Inde et dans d’autres pays où ils se sont établis.

Cette leçon vaut également pour les Burundais en exil aujourd’hui. L’erreur de mes compatriotes refugiés serait de penser qu’ils rentreront bientôt. L’histoire a montré que l’exil peut durer très très longtemps. Ces Tibétains qui sont partis en exil en 1959 (avant la naissance de mon père) y sont toujours. Les refugiés burundais aujourd’hui ne passeront peut-être pas 57 ans en exil mais ils doivent être prêts à y passer des dizaines d’années, et si leurs enfants ne sont pas éduquées, c’est une génération de Burundais qui sera perdue. 

Je sais qu’il y a beaucoup de leaders politiques et de la société civile en exil, je les appelle de toutes mes forces à se saisir de cette question. Ils doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour aider le plus possible de jeunes refugiés à continuer leurs études, du primaire à l’Université. C’est aussi sur ce point que nous évaluerons leurs capacités à changer les choses au Burundi.

lundi 12 septembre 2016

Au CNDD-FDD, la force prime sur la raison



L’article de Gervais Rufyikiri est le meilleur que j’ai lu sur l’histoire du CNDD-FDD. Je le recommande à toute personne qui aime le Burundi et que la politique burundaise intéresse. Je demanderai même à mes amis profs d’histoire et de science politique d’en faire une lecture obligatoire à leurs étudiants.
Pourquoi est-il si important ? Parce que l’ancien deuxième vice-président de la République connait bien son parti qui domine la vie politique burundaise depuis déjà plus de 10 ans. Il en connait les déboires qu’il dénonce sans mâcher.  La violence avec laquelle les opposants contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza ont été réprimés depuis plus d’une année n’est pas le fait d’un retournement ou d’un coup de tête, mais une violence systématique ancrée dans son idéologie visant le contrôle « total » du pays.

Un système foncièrement antidémocratique
Le système DD, comme on l’appelle,  est un ensemble de principes hérités de la période de rébellion et basés su la violence. Rufyikiri écrit :
Pendant la période de rébellion, lorsque les dirigeants donnaient des ordres, personne n'était autorisé à poser des questions comme «pourquoi» qui pourraient nuancer l'ordre ou contester l'ambition du chef. Seules les questions demandant des éclaircissements tels que «où» et «quand» étaient autorisés ».
Rufyikiri cite d’autres principes prédisposant et légitimant la violence comme “d’abord, exécute l’ordre et pose des questions après” ou “ Un chef non qualifié peut imposer son autorité sur les membres qualifiés en utilisant le fouet, et il peut éliminer physiquement ceux qui refusent de se soumettre ».

Ces principes sortis tout droit de la jungle sont peut-être un mal nécessaire dans la rébellion. Le drame, c’est que, au lieu de les abandonner quand il a quitté le maquis, le CNDD-FDD a continué à les pratiquer après sa victoire en 2005.
Les implications de ce « système » basé sur la violence, est qu’il ne permet pas le débat, ni à l’intérieur du parti, ni dans ses relations avec les autres acteurs de la vie nationale et qu’il est contre les droits de l’homme. Et comme nous le savons, le débat et le respect des droits des individus sont le socle d’un pays démocratique.
 A l’intérieur du parti, le système  invite les militants à accepter sans discuter les décisions venues d’en haut, sinon ils doivent s’attendre aux représailles. C’est ainsi, par exemple, que ceux qui se sont prononcés contre le troisième mandat, y compris Gervais Rufyikiri lui-même, ont été limogés de leurs postes, effacés du parti et condamnés à l’exil, au lieu d’ouvrir le débat sur la question.
 Dans ses relations avec les autres forces du pays, le système prône la confrontation, la brutalité  au lieu du dialogue. Les militants de partis d’opposition sont malmenés sur terrain, d’autres tués. C’est un système foncièrement antidémocratique, contraire à l’esprit de l’Accord d’Arusha.

Les intellectuels ne sont pas les bienvenus
Gervais Rufyikiri souligne que dans son ancien parti, les intellectuels ne sont pas du tout « acceptés », mais ils sont « tolérés » parce que le parti a besoin d’eux pour certaines missions ou certains postes. On comprend vite pourquoi. Un intellectuel est une personne pensante. Or, il est inutile de ‘raisonner » au CNDD-FDD car les idées qui ne viennent pas des chefs  n’ont pas de place.

Ici, Gervais Rufyikiri parle d’une expérience personnelle caché derrière son analyse. Tout le monde sait qu’il était marginalisé dans le parti, même s’il a occupé de hautes fonctions. Le pouvoir avait besoin de sa bonne réputation pour négocier le déblocage de l’aide avec les donneurs internationaux. Un homme de dialogue, il bénéficiait même d’un grand respect chez l’opposition, qui aurait même voté pour lui si son parti l’avait présenté comme successeur de Pierre Nkurunziza.

Malheureusement, le parti était et est toujours contrôlé par des Généraux issus de la rébellion, qui se méfient de cet intellectuel conciliant, qui risquait de trop donner de l’espace à l’opposition. Au lieu de cela, pour boucler la boucle, le Parti qui s’est progressivement constitué en parti parti-Etat, vient d’introniser un General. Histoire de serrer de plus en plus la militarisation du régime.

Après avoir lu les critiques par ailleurs très fondées de son parti ouvertement totalitaire, j’ai envie de demander à Gervais Rufyikiri : pourquoi as-tu servi ce « système » pourri pendant 10 ans ? 

Que fait Rwasa fait au gouvernement ?




Hier, la radio Inzamba racontait que la Documentation et les Imbonerakure avaient arrêté sans mandat et battu les militants FNL fideles à Agathon Rwasa à Kirundo et à Ngozi. Ils les accusaient, sans aucune preuve, de posséder des armes. 

La semaine passée, j’écoutai encore le porte-parole d’Agathon Rwasa, Aimé Magera, se lamenter que les militants du FNL sont souvent arrêtés sans motifs. Il ajoutait même qu’il y avait un plan du pouvoir d’assassiner Agathon Rwasa.

La question qu’on se pose en écoutant ca est : qu’est-ce que Rwasa fait au gouvernement ? Oui, je sais, Rwasa n’est que vice-président de l’Assemblée nationale, mais il a des ministres dans le gouvernement. (De toutes les façons, dans les conditions actuelles, le parlement n’est que la caisse de résonance du gouvernement.)

Comment peut-on participer dans un gouvernement qui arrête tes militants sans raison valable ? Comment des ministres peuvent accepter de siéger dans un gouvernement qui a le plan d’assassiner leur leader ?

Quand Rwasa a accepté en 2015 d’entrer au gouvernement après des élections controversées, au grand dam des autres partis d’opposition, l’un des arguments qu’il avançait était qu’il pourrait défendre ses membres contre d’éventuelles attaques du pouvoir. A-t-il réussi ? Je dirais que oui. Même si le pouvoir arrête les FNL, il ne les tue pas, contrairement à 2010 et 2011 quand des centaines de ses militants ont été massacrés au cours du fameux plan Safisha.
 
Mais une autre question est : pourquoi le pouvoir continue à attaquer les partisans de Rwasa alors qu’il a rejoint les institutions ?
A mon avis, la réponse est celle-ci : même si Agathon Rwasa est l’allié de circonstance du pouvoir, il n’est pas un ami. Le CNDD-FDD a une compréhension très tranchée des mots « amis » et « ennemis», et Rwasa fait toujours parti de cette deuxième catégorie et pour ce faire, il est à abattre, à long terme en tous cas. Rwasa a beaucoup de sympathisants et, au cas où le pouvoir du CNDD-FDD venait à s’écrouler, c’est lui qui prendrait la relève. Il attend que le CNDD-FDD finisse de s’autodétruire. (Ce parti a commencé le processus d’autodestruction en violant les accords d’Arusha, j’y reviendrai.) En malmenant les fideles d’Agathon Rwasa, le pouvoir applique un principe que j’ai lu récemment dans l’autobiographie du Dalai Lama : battre les chèvres pour intimider les moutons. Il s’attaque aux FNL pour lancer un message a Agathon Rwasa lui-même : Nous connaissons tes plans, n’y pense même pas. Nous restons les hommes forts du pays, et aussi longtemps que nous serons vivants, tu n’auras pas le pouvoir. Tu as intérêt à revoir à la baisse tes ambitions. Tu n’es pas notre égal, tu es notre serviteur.  
Le pouvoir n’assassinera pas son seul allié Rwasa , pas pour le moment. Il a encore besoin de lui. Mais jusque quand ?