samedi 26 octobre 2013

Gito, ou la galère d’un come from !



Hier, j’ai regardé, avec 20 ans de retard, le premier long métrage réalisé par un Burundais, Gito l’Ingrat. C’était le premier film burundais que je regardais. J’ai regretté de ne pas l’avoir plus tôt, j’aurais peut-être pu anticiper les surprises qui attendent les fameux revenants de continents lointains que nous sommes, et qu’on appelle communément ici les come from

Je vous fais un peu le résumé.  Un jeune burundais étudiant en Europe vient de décrocher son diplôme en droit international. Là-bas, il faisait de petits boulots, comme tous les Negres. Il était précisément couturier. Apres avoir décroché son diplôme, il revoit ses ambitions a la hausse. Il vend sa machine à coudre. Il décide de rentrer au Burundi. Au pays, il serait au moins ministre. Un diplômé en droit international n’est pas fait pour faire n’importe quoi, se dira-t-il. Il promet a sa copine blanche qu’il l’appellera dans quelques semaines pour qu’elle le rejoigne au Burundi, quand tout sera  en ordre (quand il sera déjà nommé ministre ?), « maximum dans un mois ». 

Le voila atterri à Bujumbura. Plein d’ambition. Il vient de Paris. Rapidement, ses illusions tombent à l’eau.  Il dépose son dossier dans tous les ministères, où il trouve des piles de milliers de dossiers en attente. D’ailleurs, les ministères ont eu la consigne de ne plus recruter. Il sollicite ses amis et oncles bien placés pour lui trouver un job, mais rien n’y fait. On lui recommande de patienter. Patienter jusque quand ? Comment ? Entre-temps, il est chassé de la chambre d’hôtel qu’il louait parce qu’il est devenu insolvable. Toute chose a une fin, y compris les dollars ramenés de Paris.   Oh la galère! Gito est sur le point de devenir un mendiant.
Finalement sa copine blanche vient le voir au Burundi, contre le gré de Gito. Elle veut voir ses parents de son chéri, là-bas à Jenda. Entre-temps Gito a retrouvé la fille qu’il aimait avant de voler vers l’Europe. A défaut de pouvoir choisir entre ses amours, il les perdra tous.

Il est loin le temps où il rêvait de devenir ministre.  Il perd la patience. Il perd la tête. Il perd l’espoir, jusqu'à bruler son putain de diplôme. Il a tout perdu.
Depuis que je suis revenu de Russie, j’ai vu de nombreux Gito. J’en fais partie. Bien que je n’aie pas rêvé de devenir ministre. Mes ambitions sont réalistes, mais rien n’est donné sous le ciel de Bujumbura, tout s’arrache. Avant de rentrer, je craignais pour ma sécurité physique. Maintenant, 2 mois après mon retour,  je crains de ne pas trouver un job. Ici, aucun employeur ne dit non. Comme à Gito on nous dit : « Amène ton dossier, on verra ce qu’on peut faire ».  Et le dossier s’en dort dans les tiroirs, pour toujours. Je ne suis pas une exception, je suis plutôt la règle. Le principal souci pour la jeunesse du Burundi est le chômage. Je connais des jeunes diplômés  qui sont au chômage depuis 3 ans ou plus. Je ne suis donc pas seul, mais ca ne me console pas. 

Ce qui est bien avec le Gito du film de Léonce Ngabo, c’est le happy end.  Gito finit par retrouver ses esprits. Il oublie son diplôme en droit international, et se souvient qu’il a des mains dont il peut se servir. Il décide de monter un atelier de haute couture, où tout le beau monde des quartiers chic de Bujumbura viendra faire ses achats. Il a vu le bout du tunnel.
Sera-t-il le cas de tous les Gito ?

vendredi 25 octobre 2013

Pourquoi les médias burundais sont-ils absents (ou presque) sur les réseaux sociaux ?



Les médias burundais ne sont pas généralement présents sur facebook et twitter. Cela ne manque pas de conséquences.
Jean Patrick Ngendakumana, un Burundais établi en Afrique du sud, regrette la faible présence des entreprises burundaises d’Information et de la Communication sur les réseaux sociaux :
Ngendakumana Jean Patrick
« Un jour, j'ai fait un constat de la faiblesse participation des medias burundais sur les réseaux sociaux sur ma page Facebook.

Ca faisait un bout de temps que je faisais cette analyse, qui a été, malheureusement, déclenchée par une compagnie téléphonique burundaise. Ladite compagnie avait commis une gaffe de répondre a un tweet d'un de leur clients après trois mois.

A partir de ce constat, j'ai du suivre la participation des medias burundais sur les réseaux sociaux. Ce fut une réalité amère, difficile a avalé, la participation est très faible. 

Je me suis demandé plusieurs fois la cause de cette faible participation. Ici je relève quelques points:

1) Il y a manque d’une politique efficace de PR (Public Relations) de ces medias envers leurs lecteurs (lectrices) ou bien leurs auditeurs (auditrices). Certains medias veulent seulement être écoutés a tout prix, mais ne veulent pas écouter les opinions publiques ou bien ne le considèrent pas.

2) Certains de nos journalistes y jouent aussi  un rôle négatif. Dans cette ère des réseaux sociaux, nous le peuple, jouons aussi le rôle des journalistes et des reporters d'une manière indirecte!
Nos yeux contribuent beaucoup aux oreilles et aux yeux des journalistes.
Donc, en un mot, un journaliste qui n'est pas actif sur les réseaux sociaux, ne saura jamais ce qui se passe sur les rues de Twitterville (sur Twitter) par exemple. Il faudra une éducation à nos chers journalistes.

3) Peut être aussi le cout de l'internet y joue un facteur, mais cela peut être surmonté si les medias travaillent main en main avec les compagnies téléphoniques pour avoir Twitter par SMS comme on le fait au Kenya. Tout est possible.
Comme moi qui vit a l'étranger, comment participer a une émission préférée chez une telle radio si mes datas sont de 20MB? Ca serait plus facile pour moi de suivre l'émission sur Twitter, et de donner mon opinion.

4) Et en dernier, malgré tous ces problèmes et ces 'challenge', certains medias comme Iwacu essaient de plus en plus d'être visibles, félicitations. Il faut fournir plus d'efforts comme ils l'ont fait l'année passée lorsque nous #Abatweep (abarundi kuri Twitter) avions consacre une journée sur #Imigani.

Courage à nos medias, la balle est entre leurs mains, on les supportera.

P.S: Ajourd'hui, la Présidence Burundaise (@BdiPresidence)a twitte 5 fois apres avoir été absent pendant une longue période! Félicitation ».

Jean-Régis Nduwimana, enseignant en communication à l’Université du Lac Tanganyika et à l’Université Lumière de Bujumbura nous livre son analyse :
Jean Régis Nduwimana
1. Je pense que nos medias ne savent pas l’importance des réseaux sociaux. Et avec raison car, ils disent que la grande masse de l'audience se trouve ailleurs mais pas sur fcbk et encore sur twitter (combien de burundais sont-ils sur twitter?) L'audience est très basse en termes de quantité... Un autre exemple frappant, c'est le cas de la TV Renaissance, voir même la TV nationale. Jusqu'à present je ne comprends pas pourquoi nos TV n’ont pas de pages YOUTUBE. C'est grâce à Teddy et un certain Jimmy que nous recevons des vidéos. Or chacune des émissions devrait avoir une page youtube...NAKAMARAMAZA.
2. Ils ne savent pas les utiliser.  Y a aucun journaliste formé sur l'usage des réseaux sociaux même chez IWACU. Par comparaison, je trouve la page de M23 mieux construite et gérée plus que celle d'IWACU. Why? Chez M23 ils savent bien que fcbk est le seul et plus important canal d'information. Alors ils ont une rédaction qui se consacre à leurs réseaux sociaux. Et les médias du monde apprennent les activités du mouvement à partir de là.
3. Il n’y a pas de compétition  entre les médias. Exemple : la RPA est sûre et certaine que l'auditeur écoutera le journal parlé de midi tandis que l'internaute suivra sur le site. C'est le même cas pour ISANGANIRO et BONESHA. Alors les réseaux sociaux ne s'érigent pas en canal privilégié d'info. Le maximum de moyens et ressources est réservé aux médias traditionnels.

Fabien Cishahayo, qui enseigne la Communication à l’Université de Montréal, abonde aussi dans le même sens :
Fabien Cishahayo
Je pense qu’ils ne voient pas  l'intérêt que cela représente pour augmenter leur lectorat ou le nombre de leurs auditeurs/téléspectateurs. Par ailleurs, étant donné que les financements de ces médias sont très peu liés à la pub, ils ne voient aucun intérêt à rejoindre le plus de monde possible. L’innovation sur ce terrain est donc minimale.
La dépendance par rapport aux financements étrangers est à terme un boulet pour nos médias. Mais l'assiette publicitaire est aussi limitée en raison du pouvoir d'achat de nos populations. il faut continuer à imaginer d'autres sources et modalités de financement.
La présence sur les réseaux sociaux peut d'abord augmenter la visibilité. Les recettes viendront quand l’audience aura augmenté. Les médias vendent d'abord un lectorat ou une audience aux annonceurs publicitaires avant de vendre leur produit médiatique au sens strict du terme. Les recettes des ventes du produit médiatique sont généralement insignifiantes par rapport aux recettes publicitaires. Mais cela comporte aussi un autre risque : la complaisance et la connivence avec les annonceurs, certains silences sur des dossiers dont les médias devraient parler, mais qu'ils hésitent à couvrir pour éviter de perdre leurs recettes - on ne mort pas la main qui nous nourrit- mais cela doit avoir été prévu, j'imagine, dans la définition de la ligne éditoriale du journal.


Pamela Kāzékare, journaliste belgo-burundaise, a aussi un avis sur le sujet :
Pamela Kazekare
Il faut une réelle implication de la part d'un média pour exister sur les réseaux sociaux. J'ai moi même participé à la première cellule "réseaux sociaux de ma tv en tant que Community Manager. Nous étions 4 à suivre, poster, chercher de nouveaux amis, ... Nous étions équipés de tablettes et smartphones connectés en permanence, car c'est un travail presque à temps plein, en tout cas il faut s'y consacrer au moins 5 minutes par heure en moyenne, mais souvent des heures en fonction de l'actualité. Il ne s'agit pas seulement de poster un article sur Facebook et Twitter, il faut suivre les échanges, répondre aux questions, trouver écho auprès des pairs, par là j’entends les personnes intéressées par le sujet pour qu'ils s'expriment et partagent, ... Actuellement, la page Facebook de notre tv est à 4383 fans, ça reste dérisoire pour une couverture de 83 000 foyers, surtout quand on sait que plus de 90% des ménages ici sont connectés au net. J’admets que ce n'est pas le buzz intégrale. De ce que j'en ai appris au bout d'une année que les pages fonctionnent, nous avons plus de followers quand il s'agit d'un sujet qui attire du monde, genre le carnaval, les grands festivals, ou alors lors de catastrophes telles que l'incendie dans une usine, la fermeture d'une industrie, ...
Quid des média burundais pour les lecteurs locaux: tout d'abord, la couverture Internet reste assez petite, n'urusato rw'imbaragasa, et ceux qui savent y accéder ont accès à l'info souvent par d'autres sources. Sur facebook, ça sera par simple plaisir de la commenter, la partager avec ceux qui sont loin. Les réseaux sociaux des média burundais s'adressent à mon constat, plus à la diaspora et aux amis du Burundi à l'étranger et ... francophones. A l'heure où le pays et la sous-région implantent l'Internet accessible à tous, ces média gagneraient plus à chouchouter le lecteur au Burundi et dans la région, en publiant plus en Kirundi, swahili et Anglais, avec des sujets plus variés pour attirer plus de suiveurs.


Alain Amrah Horutanga, blogueur, nous dit aussi ce qu’il en pense :
Alain Horutanga
En parlant du peu d'intérêt des réseaux sociaux par les médias burundais, je pense que c'est en premier lieu une question liée à la nature même des médias. Quand on a, par exemple, Iwacu très actifs sur facebook et twitter, c'est dans la continuité. Si je parle de continuité pour Iwacu c'est parce qu'il nous fourni des informations sur papier avec son hebdomadaire et en toute logique l'internet en profite. C’est comme du papier, l’internet. C’est la continuité dans l’écrit. Toutes les informations récoltées les sont par écrit ou du moins retranscrit! Pour ce qui est de la RTNB, par exemple, les articles en rapport avec les informations livrées la veille ne se retrouvent pratiquement pas sur leur site au pire, retrouver sur internet leurs reportages c’est quasiment impossible. Comment peut-on suivre un tel media sur un réseau social au jour le jour? Même si elle était sur un réseau rien ne boostera l’audience. Un article pour toutes les deux semaines ? Travailleurs de ce media privilégient le son ou l’image pour la télé (mission première) et cela ne peut inciter les utilisateurs Burundais de facebook à la suivre. Que chercheraient-ils quand il faudrait attendre voir l‘information à la télé ou l’entendre à la radio? Plus on fournit, plus on attire. À part cela, il faudrait qu'ils fassent aussi une sorte de pub à chaque fois rappeler leurs pages, leurs comptes comme on le voit pour les grandes chaines internationales et même pour leurs émissions. Aujourd’hui chez certains medias internationaux les auditeurs ou les téléspectateurs participent dans les émissions à travers facebook ou twitter réagissant sur un sujet ou participer à un débat. Les Aujourd'hui il y a une bataille des media chacun veut avoir le scoop, être premier à diffuser une info mais ça passe par là (Les réseaux sociaux). Peut-être que cela changera, il suffit de regarder France 24 ou suivre RFI et comprendre.